Cahier n°12 : Actes de la douzième journée d'étude du GDR Cadres organisée par le centre de recherche "Organisations, Carrières et nouvelles Élites" de l'École de management de Lyon (OCE-EM Lyon), à Écully, le 15 décembre 2006.
« Après une rapide introduction de la journée et des concepts par Françoise Dany, l’accent a été mis sur Les formes collectives de la résistance. Elles ont été évoquées à travers une intervention de Tanguy Cornu et de Guy Groux sur le thème « L’action collective, un cadrage historique : le savoir, la gestion, l’expression, sources de rébellion ? », ainsi qu’à travers une intervention de Cécile Guillaume et de Sophie Pochic traitant de « L’engagement syndical des cadres : un mode de résistance singulier ? Le cas de la CFDT ».
Une seconde série d’interventions a permis de rendre compte de réponses plus individuelles des cadres. Cet éclairage relatif à la résistance au quotidien a permis d’aborder les 3 thèmes suivants : 1/ Face aux incohérences du modèle productif : du retrait à l’affaiblissement de l’organisation du travail, 2/ Résister, mais à quoi ? De quelques formes et modalités de résistance dans l’encadrement : du singulier au général et vice-versa, 3/ Résistances et consentement des cadres au travail. Ces thèmes ont été développés respectivement par Olivier Cousin, Frédéric Mispelblom Beyer et Gaëtan Flocco et discutés par Paul Bouffartigue.
La troisième partie de la journée questionnait la possibilité de modèles alternatifs de management. Une première table ronde animée par André Grelon a permis de réunir les témoignages d’un représentant du Mouvement Chrétien des Cadres Dirigeants (Christian Ginot), d’une DRH (Frédérique Saint-Olive), d’une consultante (Geneviève Blanchard-Vialle) et d’une doctorante spécialisée dans la gouvernance des fondations (Anke Wolff-Scardin). Il s’agissait d’identifier les possibilités et les difficultés de développer des pratiques alternatives. Cette table ronde a été complétée par deux témoignages s’intéressant aux rôles possibles des cadres dans le développement de la responsabilité sociale de leur entreprise. Frank Azimont a interrogé : Quelle lecture possible de l’engagement des cadres dans le développement d’un nouveau modèle économique au sein d’une multinationale de l’agro-alimentaire ? Bertrand Valiorgue, quant à lui, a fait part des résultats de son travail de thèse consacré au rôle des middle-managers dans l’émergence de pratiques responsables. » (Synthèse reprise de l'introduction de Françoise Dany.)
Ce détour par le sentiment d'imposture renvoie en effet à la question des changements de statut dans la société française. Leur légitimité est affirmée par un discours méritocratique qui associe la valeur des individus à leurs actes, mais reste contredite par des pratiques sociales qui ne manquent pas de reproduire les inégalités de la naissance. Les cadres constituent une bonne illustration de ce phénomène.» [...] [Premières lignes]
]]>«"Enfant, tu habitais un petit village de Bisagne où ton père était fonctionnaire d'une administration locale et ta mère institutrice. […] Plus tard, on t'a proposé de suivre les classes préparatoires pour te présenter à l'école supérieure des travaux de carrière (on ne savait pas ce que c'était dans ta famille, les enseignants ont dû l'expliquer). Tu as travaillé, tu étais intelligent, et tu es devenu grand ingénieur de carrière. Longtemps, pourtant, tu ne t'es pas débarrassé d'un sentiment d'imposture qui te rongeait secrètement. […] Pourquoi cette conviction que tu occupais une case qui n'était pas prévue pour toi ?" (Belinda Cannone, 2005, p. 14-15). Cet exemple, tiré d'un essai, suggère que les ingénieurs diplômés peuvent être exposés au « sentiment d'imposture ». Il illustre en cela les limites de « l'effet magique du titre » pointées par Bourdieu (1989), pour qui le diplôme ne procure de véritable consécration qu'associé à d'autres propriétés sociales. Qu'en est-il alors des cadres autodidactes, et plus généralement de tous ceux qui accèdent à ce statut en cours de vie professionnelle, qui plus est sans forcément détenir les attributs sanctifiants du titre?
Ce détour par le sentiment d'imposture renvoie en effet à la question des changements de statut dans la société française. Leur légitimité est affirmée par un discours méritocratique qui associe la valeur des individus à leurs actes, mais reste contredite par des pratiques sociales qui ne manquent pas de reproduire les inégalités de la naissance. Les cadres constituent une bonne illustration de ce phénomène.» [...] [Premières lignes]
"L’enquête porte sur une grande entreprise appartenant à la branche de la métallurgie, et ne traite qu’un des aspects de la promotion : les perspectives de carrière. L’analyse s’appuie sur les fichiers du personnel élaborés par la direction du personnel. [...] Après avoir brièvement présenté l’entreprise à partir du profil général des salariés, et avant de livrer les résultats proprement dits, il est utile de s’arrêter sur les règles d’accès au statut cadre. Elles permettent en grande partie de saisir la spécificité de cette catégorie qui, comme on le verra, demeure à part. En effet, non seulement dans cette entreprise l’accès au statut cadre semble plus fermé que dans la moyenne des grandes entreprises mais, par ailleurs, acquérir le titre ne suffit pas pour en faire pleinement partie. Les promus restent dans l’antichambre de la catégorie des cadres, et c’est encore plus vrai quand il s’agit des femmes." [Premières lignes]
Années 1940-60. La genèse des études sur les cadres.
Années 1970. Les cadres en classe moyenne et patronat
Années 1980. Les ingénieurs, groupe phare d’une catégorie
Années 1990. Cadres, la grande rupture ?
Années 2000. Les cadres comme miroir des transformations du salariat
"Le statut des salariés est au cœur des questionnements des associations qui, si elles s’interrogent régulièrement sur le bénévolat, le volontariat et leurs 21 millions d'adhérents, demeurent employeurs de plus de 1,5 millions de salariés faiblement qualifiés, fortement employeurs de cadres autodidactes notamment parce que les formations qualifiantes n’y sont pas généralisées. Les cadres associatifs salariés, « cadre associatif » au sens de l’encadrement salarié d’une association employeur, agent économique et social, sont employés par l'entreprise associative et occupent une fonction de cadre au sens du code du travail et des conventions collectives applicables. L’entreprise associative est caractérisée comme étant une association de type loi 1901 ayant une activité d’employeur et une implication économique. Ces entreprises associatives sont sectorisées selon les activités réalisées : action sociale, prévention spécialisée, animation, formation professionnelle. Nous montrerons, dans un champ associatif en profonde mutation, que le statut d’autodidacte est fortement répandu en des formes variées. Il n’est pas considéré comme une forme de déclassement pour les cadres associatifs enquêtés. Ce profil y est même dominant et demeure, y compris dans des formes contradictoires, porteur de développement, pas seulement dans les organisations de l’économie sociale." [Premières lignes]
« Limitée au contexte de l’Europe occidental, et focalisée quelques uns des principaux pays de cette région du monde, cette journée d’étude ne fait que commencer à déchiffrer un vaste ensemble de questions : dans quelle mesure la catégorie de "cadres" demeure-t-elle une particularité nationale française ? Autre face de la même question, peut-on – et si oui dans quelle mesure – parler de "cadres " dans les pays voisins, sans céder à une sorte d’ethno-centrisme franco-français ? Si de stricts équivalents de cette catégorie et de cette notion françaises sont introuvables, ne peut-on pas tout de même décrire les grandes caractéristiques et évolutions de populations comparables jusqu’à un certain point, par exemple celles que l’on désigne comme membres du professional and managerial staff (professionnels et managers) au Royaume Uni, ou comme leitenden Angestellen (employés supérieurs et dirigeants) en Allemagne ? Ces évolutions sont-elles convergentes ? Quel rôle jouent les politiques de gestion de ressources humaines des entreprises – notamment des firmes multinationales –, la construction européenne, les organisations européennes de "cadres" dans ces évolutions ? N’assiste-t-on pas à une tension croissante entre, d’une part, les efforts d’origine syndicale pour étendre ou conforter la reconnaissance institutionnelle – tout particulièrement au plan du droit du travail et des conventions collectives – d’un fait "cadre", et, d’autre part, les effets des nouveaux modes de management, qui tendent à individualiser la relation d’emploi des salariés hautement qualifiés ? Qu’en résulte-t-il du point de vue des modes de représentation sociale des agents sociaux concernés ?
Ces questions soulèvent en effet une difficulté préalable majeure, à laquelle a tenté d’apporter une réponse originale l’approche sociétale fondée au LEST dans les années 1970 : "Comment comparer l’incomparable ?" (Maurice, 1989). Car si l’on refuse à la fois la perspective "universaliste", selon laquelle les nations ne forment que des contextes de spécification d’ "équivalents fonctionnels", et la perspective culturaliste, qui, mettant l’accent sur les discontinuités radicales d’un pays à l’autre interdit une véritable comparaison, reste à restituer à chaque fois le système global d’interactions "sociétal" seul à même de fournir une grille d’intelligibilité donnant sens aux "particularités" mises en comparaison. Cette perspective n’est pas explicitement présente dans la plupart des contributions qui suivent, mais elles permettent de la tracer : plus directement à partir des textes transversaux aux situations nationales, d’E. Mermet et de S. Pochic ; plus indirectement, à partir de la présentation des cas belge (M. De Troyer et E. Martinez), allemand (H. Lange), espagnol (C. Prieto) et britannique (S. Jefferys).
Les échanges mêlent des précisions ou des éclaircissements sur les exposés présentés et nombre de réflexions touchant à la question posée plus haut : dans quelle mesure est-il légitime de parler des "cadres" en dehors du cas français ? Mais on peut aller plus loin en se demandant dans quelle mesure la force et la convergence des transformations observées un peu partout dans la morphologie et la condition sociales des franges "qualifiés" ou "professionnelles" du salariat n’interrogent-elles pas la pertinence de la notion de cadre en France même ? » (Paul Bouffartigue)
"Épiphénomène social et économique à la Libération, le paysage des organisations humanitaires a connu une densification et une montée en puissance spectaculaires. Ainsi le Secours populaire français, petite organisation de masse communiste née dans le giron moscovite en 1923, compte aujourd'hui un fichier d'un million de donateurs et 72.000 bénévoles, pour un budget annuel de plus 50 millions d'euros. La croissance d'Emmaüs est plus spectaculaire encore : petitement construit depuis 1949 sur les gadoues mais passé à la postérité de la mobilisation solidaire française depuis l'appel de l'abbé Pierre en février 1954, il est devenu un mouvement international qui représente en 2005, pour la France seule, un budget de 270 millions d'euros" […] Premières lignes
« La troisième journée du GDR Cadres s’est intéressée à l’étude d’une des dynamiques susceptibles d’affecter la population cadre : celle du développement de l’entrepreneuriat. En effet, la critique des organisations bureaucratiques oblige à repenser la figure traditionnelle du cadre de la grande entreprise. Elle pose en particulier la question des nouvelles "élites organisationnelles". Deux types de ruptures éventuelles sont à explorer. Premièrement, l’émergence de nouveaux modèles professionnels pour les cadres progressant à l’intérieur d’une grande entreprise, du fait en particulier de l’accent mis sur la nécessité de "moderniser les organisations" et de développer leurs "capacités d’innovation", ainsi que les "attitudes intrapreneuriales" de leurs membres. Deuxièmement, l’émergence d’une alternative crédible à la figure traditionnelle du cadre promis à une carrière organisationnelle, qui pourrait être symbolisée en particulier par la figure de "l’entrepreneur".
Une première série de ces papiers traite des voies de la modernisation des entreprises. La communication de M. Coster et de B. Moreau se centrent sur les transformations en cours qui se traduisent concrètement par le développement de structures spécifiques. La première rappelle que le phénomène entrepreneurial ne se limite pas à la création ni à la reprise d’entreprises indépendantes, et pointe différentes formes de la création d’entreprise à l’intérieur de structures déjà existantes. B. Moreau expose quelques manifestations concrètes de la tentative d’introduction chez France Télécom de "l’esprit d’entreprendre". Il souligne les enjeux et difficultés liés au développement de l’entrepreneuriat dans des structures confrontées à des défis technologiques d’une part, mais aussi à des enjeux financiers. Les autres papiers se rapportant à la modernisation des entreprises s’intéressent à des transformations plus diffuses. Évolutions des rôles de managers dans des organismes publiques - encadrants des villes, secteur public québécois. M. Buscatto rend compte quant à elle de l’évolution du rôle d’encadrant dans trois sociétés d’assurance. La communication de G. Minguet et F. Osty consacrée à la carrière des ingénieurs s’attache à deux histoires d’entreprise.
La question de la crédibilité que l’on peut accorder aux discours consacrés à l’évolution des organisations et au développement de carrières plus entrepreneuriales est plus précisément au cœur de la seconde série d’interventions. P-G. Hourquet et A. Roger s’emploient à montrer que si le nombre des ingénieurs impliqués ou souhaitant s’engager dans une carrière entrepreneuriale est faible, cette filière constitue néanmoins une évolution possible pour cette population à ne pas sous-estimer. Y-F. Livian traite quant à lui des pratiques de rémunération des cadres.
Les deux dernières communications cherchent davantage à pointer les raisons de l’engouement pour les notions d’intrapreneuriat ou d’entrepreneuriat. E. Roussel propose de voir dans le recours à la notion d’intrapreneuriat une tentative d’occultation d’un rapport de subordination qui permet en particulier de passer sous silence la question pourtant fondamentale du "comment" réaliser le travail. C-C. Rüling s’efforce de montrer comment les modes managériales qui contraignent les managers les servent également. Elles leur permettent en particulier de donner du sens à leur action et leur donne de quoi alimenter une image d’eux-mêmes cohérente et valorisée. » (Françoise Dany)
« L’activité professionnelle des cadres demeure une "boîte noire" dans la connaissance de cette catégorie sociale. Pourtant le discours social n'a jamais été aussi bavard sur le "stress" des cadres. L'objectif de cette journée est d'examiner les apports les plus récents des recherches dans ce domaine. On pense aux approches ergonomiques, qui montrent combien le travail des cadres gagne lui aussi, à être appréhendé en termes d'écart entre activité prescrite (par l'organisation) et activité réelle, telle qu'elle ressort de l'observation des personnes au travail. On pense également aux approches ethnographiques et compréhensives de l'activité technique. On s'efforcera de comprendre en quoi les transformations objectives du travail "prescrit" à l'encadrement sollicitent ces nouveaux points de vue. On attend également de ces journées une contribution à la connaissance de la diversification des fonctions et des profils qui sont ceux des cadres, en même temps qu'un éclairage sur les convergences des dynamiques des situations et conditions de travail entre cadres et non cadres.