L’ambition comparative est moins explicitement présente dans ce numéro. En même temps, tous les auteurs sont soumis à cette difficulté : essayer de traiter d’une catégorie dont l’institutionnalisation, la signification, et finalement la composition diffèrent plus ou moins profondément de la situation française, mais qui dans chaque cas présente néanmoins un certain nombre de traits similaires à celle-ci. S’il est pertinent de rassembler ces contributions et d’organiser autour d’elles les échanges scientifiques, c’est, au minimum, que des populations exerçant des fonctions professionnelles équivalentes à nos cadres existent dans ces pays, et y sont confrontés à des enjeux pour une part communs : rôle historiquement central de la figure de l’ingénieur (Espagne) ; tensions entre les formations et les emplois occupés (Grèce) ; développement des formations supérieures de type « tertiaire », tout comme le recul généralisé du « développementalisme » et/ou de la puissance publique et la montée des régulations économiques libérales. Au mieux, c’est que l’influence du modèle français s’est exercée, de manière plus ou moins directe ou diffuse, dans bon nombre des pays dont il est fait ici état : par la présence coloniale dans les trois pays du Maghreb et en Syrie ; par le rôle d’institutions de formation (Polytechnique pour le Maghreb ; autres institutions de formation pour le Portugal, le plus proche du cas français) ; par le rôle contemporain enfin de la circulation des élites au sein d’aires géographiques de plus en plus étendues.
Cette influence se retrouve a minima dans la traduction du mot « cadre » dans la langue indigène, mais sans qu’elle fasse l’objet d’une véritable réappropriation dans son usage vivant ni dans les représentations du monde social (Syrie). Elle peut aller jusqu’à la transposition directe du système français de classification socioprofessionnelle, ce dernier étant concurrencé partout par le modèle de la CITP (ISCO en anglais) sous influence anglo-saxonne (Algérie). Elle peut enfin se retrouver dans des modes de mobilisation sociopolitiques comparables à l’histoire française, le cas italien étant très suggestif, par ses ressemblances – l’importance d’une logique défensive dans un conjoncture de fortes luttes ouvrières – comme par ses différences – rôle de frein du patronat, rôle plus central des cadres dirigeants.
En voyageant dans ces pays d’Europe du Sud et des autres rives de la Méditerranée, le lecteur se convaincra en tous cas un peu plus de la nécessité de réinscrire en permanence sa réflexion sur les catégories sociales dans l’histoire de formations sociales toujours singulières mais jamais isolées des dynamiques et des flux technologiques, économiques et culturels." (Paul Bouffartigue et André Grelon)
]]>La journée d’étude organisée par le Groupe de Recherche sur les Cadres du CNRS se propose ainsi d’aborder l’état des questions qui se posent dans le domaine des représentations et des valeurs des cadres à partir de terrains ou de scènes diverses qu’il s’agisse de l’entreprise ou d’autres contextes comme le rapport des cadres à l’univers sociopolitique ou à certaines des grandes métropoles urbaines implantées en Europe. Dans ces contextes seront évoqués, avec plus d’insistance, des traits qui typent aujourd’hui l’état des représentations et des valeurs des cadres. Il en est ainsi du rapport à certains principes majeurs - la justice, la loyauté - ou de thèmes découlant plus directement du statut du cadre - l’autonomie, les trajectoires et les valeurs liées à « la carrière » -. Et de même, de traits issus de domaines divers - l’action collective, l’habitat - ou de registres relevant de l’opinion, du vote (politique ou non) ou de représentations liées au marché. Enfin et afin de mieux étayer les questionnements qui se posent en l’occurrence, ces divers traits seront abordés à partir d’enquêtes de terrain importantes (tant du point de vue des échantillons que de leur durée), d’expériences de recherches s’étendant dans le temps ou d’approches empiriques relevant de comparaisons internationales et concernant plusieurs pays européens ou nord-américains." (Charles Gadéa, André Grelon et Sophie Pochic)
]]>Entreprise, travail et représentations. Introduction à la première table ronde, Anousheh Karvar – p.7