Colloque final du GDR Cadres organisée le 30 janvier 2009 à l'Université de Versailles-Saint-Quentin (UVSQ) et le 31 janvier 2009 à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS)
Ce colloque ambitionne à la fois de capitaliser et de dessiner de nouveaux horizons à l’activité scientifique d’un réseau de scientifiques, le GDR C.A.D.R.E.S (CAdres, Dynamiques, Représentations, Entreprises et Sociétés), qui rassemble depuis huit ans des spécialistes de cette catégorie au croisement de différentes disciplines : sociologie majoritairement, mais aussi sciences de gestion, sciences politiques, histoire et économie. Ce GDR a organisé depuis sa création deux journées d’étude par an et permis de relancer les travaux scientifiques sur les salariés qualifiés en France et de les mettre en discussion avec des partenaires étrangers en Europe et au Maghreb, dont toutes les communications sont accessibles sur http://gdr-cadres.cnrs.fr/ [lien rompu]. Ce colloque signera la fin de l’existence institutionnelle de ce réseau mais aussi une volonté de vulgarisation des travaux menés en son sein.
Les travaux réalisés depuis 2001 ont montré combien la nouvelle conjoncture historique aiguise et renouvelle les interrogations dont la catégorie sociale des cadres fait l’objet. Cette catégorie, très française, s'est affirmée en même temps que le mouvement des « classes moyennes » des années trente. Elle s’est consolidée au cours des Trente glorieuses en même temps que s’installait une société salariale impulsant une mobilité sociale ascendante. De nombreux cadres autodidactes incarnaient ces évolutions. Aujourd’hui la question des classes moyennes a changé de visage. L’heure n’est plus à leur mobilisation sociale et politique face à la double menace des mouvements ouvriers et de la concentration du capital. Pas plus qu’aux discours associant « moyennisation » et « modernisation » de la société. Il est désormais question dans les médias de fragilisation, voire d’éclatement ou de paupérisation partielle des classes moyennes. Quant au thème de la « panne de l'ascenseur social », il renvoie à un vrai mouvement de grippage de la mobilité ascendante et à la réalité de phénomènes de déclassement pour les jeunes diplômés ou les chômeurs.
Pour autant, les cadres, et plus largement les salariés qualifiés, ont-ils perdu leur capacité d’attraction ? Cette question se décline au niveau individuel aussi bien sur un plan objectif - celui de la mobilité sociale – que subjectif – celui des sentiments d’appartenance et des projets de mobilité. Cette capacité d’attraction n’est-elle pas affectée par une diversification accentuée du groupe des cadres, diversification qui aurait fini par mettre à mal son unité symbolique ? Désormais la fonction d'autorité hiérarchique est loin de pouvoir résumer ce que sont et ce que font les cadres. La globalisation et l’influence croissante du modèle anglo-saxon de firme incitent à parler davantage de managers et d’experts. Ces derniers, de plus en plus nombreux, auraient un rapport plus distant aux organisations, lesquelles, quand elles n’encouragent pas les carrières nomades, ont largement renoncé aux modes de gestion bureaucratiques des carrières. Les cadres des organisations publiques et du monde associatif sont loin de tous se reconnaître dans la figure traditionnelle du cadre. La féminisation de la catégorie ne fait pas qu’en épouser les rapports de domination et de discrimination internes, elle en modifie également l’identité sociale et apporte souvent des revendications vers un meilleur équilibre entre carrière et vie privée. Enfin la distance sociale est devenue considérable entre les cadres dirigeants aux modes de vie cosmopolites et la masse des cadres subalternes ancrés dans un territoire.
Face à ces modifications du profil des cadres, que reste-t-il de leur spécificité, qui justifiait aussi bien un statut que des institutions spécifiques (retraites, syndicats, prud’hommes, APEC) ? Comment ont réagi à ces évolutions les organisations qui les encadrent, que ce soit leurs employeurs, publics ou privés, leurs organisations représentatives que des institutions de protection sociale ? Ce colloque ouvrira un rare débat entre scientifiques et acteurs sociaux, syndicalistes, représentants institutionnels et représentants d’entreprise sur le devenir de la catégorie. Les chercheurs de pays anglo-saxons (Angleterre, Australie, États-Unis) viendront nous rappeler que les débats sur l’idée de classes moyennes en crise ont également lieu ailleurs, surtout dans les moments forts de restructuration du système productif. Diverses enquêtes laissent à penser que le sentiment de déstabilisation et de changement est souvent plus fort que sa réalité, et que les perspectives de carrière pour les plus qualifiés restent relativement bonnes, parfois sur des marchés internes qui se reconstituent à des échelles et sous des formes différentes. Alors qu’en France la dilution de la catégorie cadres est souvent appréhendé au regard de l’évolution de leurs conditions de travail, nous ouvrirons ici la question de leur mode de vie, appréhendé en terme aussi bien en terme de consommation, que d’habitat et d’engagement politique. Les classes moyennes appréhendées par ce prisme ne conservent-t-elles pas une forte spécificité et une place privilégiée dans la sphère sociale ?
Séance introductive. Intervenants : Paul Bouffartigue, Sophie Pochic, un représentant de l’agglomération de Saint Quentin en Yvelines et un représentant de l'Université Versailles Saint Quentin.
Table ronde 1 : « Les cadres dans la stratification et la mobilité sociale ». Animateurs : Patrick Dieuaide et Charles Gadéa
L’expansion de la catégorie des cadres a constitué un puissant vecteur de mobilité sociale et professionnelle tout au long des dernières décennies. L’appel d’air créé par le nombre croissant de postes à occuper se traduisait par un recrutement social très majoritairement extérieur aux familles de cadres et un accès fréquent au statut cadre en cours de vie professionnelle, tous deux facteurs d’hétérogénéité interne, tant dans le rapport à la carrière que dans le rapport à l’entreprise. Qu’en est-il aujourd’hui, alors que l’emploi s’est dégradé et que le déclassement guette les jeunes diplômés ? L’hérédité sociale s’est-elle renforcée ou atténuée ? De quelle façon les chances de chances de promotion au statut de cadre ont-elles évolué ? Quel a été l’effet de la féminisation sur les flux de mobilité ? Cette table ronde centrée sur la mobilité abordera par ce prisme la place occupée par les cadres dans la société : les signes distinctifs de la catégorie des cadres tendent-ils à s’effacer ou à se maintenir ?
Thomas Amossé : « Cadres - non cadres de 1982 à 2002 : une frontière qui s’est déplacée, mais ne s’est pas effacée sur la structure sociale »Table ronde 2 : « Cadres et classe(s) moyenne(s), d'hier à aujourd'hui ». Animateurs : Paul Bouffartigue et Guy Groux
Le sort de la notion de « classe(s) moyenne(s) » semblait avoir été définitivement scellé par la sociologie au début des années 1980. Après une période d'intenses controverses, l'accent était désormais mis sur la forte hétérogénéité sociale et politique de ce conglomérat, de laquelle n'émergeait que la puissance symbolique de sa composante « cadres ». Or cette notion de « classe(s) moyenne(s) » revient bruyamment sur la scène politique, plus discrètement sur la scène scientifique. On cherchera à comprendre le sens de ce retour en revisitant l'histoire française des classes moyennes et par un détour par l’international, que ce soit par « l’Amérique du bas » que par la « vieille Europe ». De quelle(s) classe(s) moyenne(s) parle-t-on au juste ? Assiste-t-on à leur paupérisation généralisée, ou à des transformations plus différenciées ? Comment leurs différentes composantes se positionnent-elles au plan politique et idéologique ?
Catherine Bidou : « Une recherche sur l'Amérique latine. Classes moyennes et espaces urbains dans la ville de Mexico »Table ronde 3 : « Cadres : contours et groupes frontières ». Animateurs : André Grelon et Gilles Lazuech
Toutes les tentatives de définition de la catégorie se heurtent au même obstacle : le flou de ses contours, distincts suivant les institutions qui les comptent ou qui les représentent. Pour dépasser cette difficulté, cette table ronde a choisi de réinterroger la frontière cadres/non-cadres à partir de groupes professionnels qui entourent ou rejoignent le groupe des cadres. Quelle identité et quel statut pour des « nouveaux cadres » que sont par exemple les cadres associatifs ou les cadres dit « professionnels » de la Poste ? Quelles relations de travail avec des groupes professionnels qui sont parfois leurs subalternes, parfois leurs collaborateurs (techniciens, contremaîtres) ? Comment en retour ces groupes frontières et ces « nouveaux cadres » conduisent à re-penser la spécificité du groupe des cadres, notamment sous l’angle du sentiment d’appartenance à une classe sociale ?
Alexandra Bidet : « Encadrer des automates. Les appuis pragmatiques de l’identité professionnelle »Table ronde 4 : « « Cadres, managers et globalisation ». Animatrices : Jacqueline Laufer et Sophie Pochic
La notion de « cadre » si typiquement française semble en décalage avec le mouvement d’internationalisation des firmes, où désormais le terme de « manager » prédomine largement. Ce changement de vocabulaire signifie-t-il une transformation des pratiques de gestion et des carrières réelles des individus ? Des interventions de sociologues et de gestionnaires, français et étrangers permettront d’éclairer différentes facettes de la « globalisation » au sens d’intensification des échanges de biens, de main d’œuvre, mais aussi de savoirs et d’informations entre différents pays, et leurs effets sur les salariés qualifiés. Les migrations d’études et de travail font-elles désormais partie du quotidien des cadres ou creusent-elles un écart entre des cadres « globaux » et d’autres plus « locaux » ? Les cadres expatriés dans un autre pays forment-ils une nouvelle élite mondialisée ou expérimentent-ils le poids des identités nationales et culturelles ? Le modèle anglo-saxon de management plus contractualisé et individualisé qui semble se diffuser dans les grands groupes de taille mondiale déstabilise-t-il en profondeur la relation entre les cadres et leurs entreprises ?
Adrian Favell : « Liberté de mouvement et mobilité des professionnels urbains dans une Europe de l'intégration : Eurostars and Eurocities »Table ronde 5 : « Consommations et modes de vie : mixité ou entre-soi». Animateurs : Olivier Cousin et Sarah Ghaffari
Les cadres, en tant que classe moyenne, ont longtemps incarné une des figures de la modernité, une catégorie ouverte et attractive. Symbole de la réussite des trente glorieuses, ils se distinguaient des employés et des ouvriers, comme de la grande bourgeoisie, par l’introduction de nouveaux modes de vie, de manières de consommer et de travailler. Aujourd’hui, cette représentation se fissure, les cadres perdant une grande partie de leur visibilité et de leur capacité à incarner un modèle. Soit, parce qu’ils ne se démarquent guère au sein de l’ensemble vaste et indéfini des couches moyennes ; on parle alors de banalisation. Soit, au contraire, parce qu’ils entrent dans une logique de repli et cherchent à ériger des barrières, privilégiant l’entre soi. Lors de cette table ronde, on s’interrogera sur ces évolutions en optant pour des logiques comparatives entre différents pays. Y a-t-il une tendance majeure à un repli sur soi et assiste-t-on à l’épuisement d’un désir de mixité sociale ? Quel type de société se dessine quand la ségrégation spatiale et sociale devient un mode de vie ? La féminisation de la catégorie change-t-elle le rapport à l’environnement et est-elle porteuse de nouveau modèle ?
Philippe Coulangeon : « Le triomphe des philistins? Les cadres et la culture dans la société française d'aujourd'hui »Table ronde 6 : « Usages sociaux des recherches sur les cadres ». Animateur : Frederik Mispelblom Beyer
On donne ici la parole à quelques utilisateurs et acteurs des recherches sur les cadres, en invitant des managers, des responsables de syndicats de cadres, des consultants, des « passeurs » entre la recherche et les entreprises. Sans être évidemment représentative, cette table ronde permettra à quelques-un-e-s de celles et ceux qui sont d'habitude « objets » de recherche de s'exprimer comme sujets, « lecteurs » des recherches sur les cadres. En quoi les publications émanant du GDR cadres ont-elles pu, ou non, infléchir certains discours syndicaux en direction des cadres, faire émerger de nouvelles préoccupations, déplacer quelque peu la pensée et les stratégies des cadres eux-mêmes ? En quoi les recherches sur le « plafond de verre », les discriminations de genre, raciales ou autres au sein de l'encadrement, ont-elles pu nourrir des débats, des argumentaires, des congrès syndicaux ou professionnels, des tracts ? En quoi les publications sur la nature et le contenu de l'activité d'encadrement ont-elles pu inspirer la réflexion de certains managers sur leurs pratiques, sur la manière de se positionner à l'égard de leurs subordonnés comme de leurs propres supérieurs ?
"Le statut des salariés est au cœur des questionnements des associations qui, si elles s’interrogent régulièrement sur le bénévolat, le volontariat et leurs 21 millions d'adhérents, demeurent employeurs de plus de 1,5 millions de salariés faiblement qualifiés, fortement employeurs de cadres autodidactes notamment parce que les formations qualifiantes n’y sont pas généralisées. Les cadres associatifs salariés, « cadre associatif » au sens de l’encadrement salarié d’une association employeur, agent économique et social, sont employés par l'entreprise associative et occupent une fonction de cadre au sens du code du travail et des conventions collectives applicables. L’entreprise associative est caractérisée comme étant une association de type loi 1901 ayant une activité d’employeur et une implication économique. Ces entreprises associatives sont sectorisées selon les activités réalisées : action sociale, prévention spécialisée, animation, formation professionnelle. Nous montrerons, dans un champ associatif en profonde mutation, que le statut d’autodidacte est fortement répandu en des formes variées. Il n’est pas considéré comme une forme de déclassement pour les cadres associatifs enquêtés. Ce profil y est même dominant et demeure, y compris dans des formes contradictoires, porteur de développement, pas seulement dans les organisations de l’économie sociale." [Premières lignes]
Les cadres de l’Éducation spécialisée, qui héritent d’un déficit de légitimité, voient pour certains dans cette évolution, des opportunités stratégiques de professionnaliser leur fonction. Ils peuvent alors mettre essentiellement l’accent, dans leur activité d’encadrement, sur les dimensions d’organisation et de supervision du travail. Les chefs de service éducatifs s’apparentent à des cadres promus et cet échelon de l’encadrement cristallise les enjeux d’une culture de métier. S’ils sont pris dans une contradiction qui les conduit à la fois à considérer l’intérêt des personnes accompagnées et à rationaliser la gestion des ressources humaines et les procédures administratives, ils mettent aussi en œuvre des projets qui contribuent à la cohésion sociale. Une observation plus fine de leur travail pourrait faire apparaître des pistes de changement dans une activité d’encadrement
]]>Nous cherchons à décrire l’activité d’encadrement des chefs de service éducatifs et des directeurs des établissements sociaux et médico – sociaux. Ces cadres de l’Éducation spécialisée exercent leurs fonctions dans un champ, produit des modalités du traitement politique de la question sociale, dans lequel l’État a régulé les conditions de mise en œuvre de l’assistance. Différents travaux de recherche mettent en évidence l’évolution des politiques sociales vers une relation de service calquée sur le modèle marchand. Plus globalement ces orientations libérales des politiques publiques contribuent à diffuser une culture de l’évaluation permanente des dispositifs et des individus et a pour effet d’imposer une nouvelle légitimité des pratiques professionnelles.
Les cadres de l’Éducation spécialisée, qui héritent d’un déficit de légitimité, voient pour certains dans cette évolution, des opportunités stratégiques de professionnaliser leur fonction. Ils peuvent alors mettre essentiellement l’accent, dans leur activité d’encadrement, sur les dimensions d’organisation et de supervision du travail. Les chefs de service éducatifs s’apparentent à des cadres promus et cet échelon de l’encadrement cristallise les enjeux d’une culture de métier. S’ils sont pris dans une contradiction qui les conduit à la fois à considérer l’intérêt des personnes accompagnées et à rationaliser la gestion des ressources humaines et les procédures administratives, ils mettent aussi en œuvre des projets qui contribuent à la cohésion sociale. Une observation plus fine de leur travail pourrait faire apparaître des pistes de changement dans une activité d’encadrement
"L'accès au statut cadre est souvent étudié à travers le prisme du diplôme initial qui confère ce type de statut directement après la sortie du système éducatif comme c'est le cas pour les ingénieurs par exemple. Pourtant, à y regarder de plus près, il ne s'obtient que rarement lors d'un premier emploi, le délai moyen d'accès à ce statut étant, d'après une enquête de l'APEC, de sept ans et demi. C'est principalement le changement d'employeur qui en est la clé d'accès, un quart des cadres y ont accédé grâce à la mobilité. Certaines professions montrent le caractère relatif de la "tyrannie du diplôme initial" et de ce cheminement dans l'accès à un statut difficilement accessible sans expérience professionnelle: il s'agit des commerciaux du secteur privé." [...] [Premières lignes]
Cette recherche, menée de concert avec l’Observatoire des Études et Carrières du CNAM, s’est déroulée en trois phases recouvrant, tout d’abord, le recueil et l’exploitation de documents permettant de situer la place du CNAM dans le monde du travail, puis une enquête par questionnaires auprès d’ingénieurs CNAM diplômés de la formation continue et enfin, une étude qualitative par entretiens auprès d’ingénieurs d’une même usine [métallurgie] et auprès de responsables en ressources humaines sur le recrutement et la carrière d’ingénieurs dans leur entreprise (cf. Encadré méthodologique). [...]" [Premières lignes]
]]>"En 2002, le Centre Associé au Céreq de Rouen, rattaché à l’université de Rouen, a répondu à une commande du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), demandeur d’une « étude exploratoire sur l’image des ingénieurs CNAM et de leur formation auprès des anciens élèves du Conservatoire et de leurs employeurs ».
Cette recherche, menée de concert avec l’Observatoire des Études et Carrières du CNAM, s’est déroulée en trois phases recouvrant, tout d’abord, le recueil et l’exploitation de documents permettant de situer la place du CNAM dans le monde du travail, puis une enquête par questionnaires auprès d’ingénieurs CNAM diplômés de la formation continue et enfin, une étude qualitative par entretiens auprès d’ingénieurs d’une même usine [métallurgie] et auprès de responsables en ressources humaines sur le recrutement et la carrière d’ingénieurs dans leur entreprise (cf. Encadré méthodologique). [...]" [Premières lignes]
Cette contribution se propose de donner des points de repères descriptifs de base sur la population des cadres, notamment au regard de ses diplômes, à partir de l'enquête emploi 2002 de l'INSEE, et d'évoquer quelques questions qu'ils inspirent.
"L’enquête porte sur une grande entreprise appartenant à la branche de la métallurgie, et ne traite qu’un des aspects de la promotion : les perspectives de carrière. L’analyse s’appuie sur les fichiers du personnel élaborés par la direction du personnel. [...] Après avoir brièvement présenté l’entreprise à partir du profil général des salariés, et avant de livrer les résultats proprement dits, il est utile de s’arrêter sur les règles d’accès au statut cadre. Elles permettent en grande partie de saisir la spécificité de cette catégorie qui, comme on le verra, demeure à part. En effet, non seulement dans cette entreprise l’accès au statut cadre semble plus fermé que dans la moyenne des grandes entreprises mais, par ailleurs, acquérir le titre ne suffit pas pour en faire pleinement partie. Les promus restent dans l’antichambre de la catégorie des cadres, et c’est encore plus vrai quand il s’agit des femmes." [Premières lignes]
Ce détour par le sentiment d'imposture renvoie en effet à la question des changements de statut dans la société française. Leur légitimité est affirmée par un discours méritocratique qui associe la valeur des individus à leurs actes, mais reste contredite par des pratiques sociales qui ne manquent pas de reproduire les inégalités de la naissance. Les cadres constituent une bonne illustration de ce phénomène.» [...] [Premières lignes]
]]>«"Enfant, tu habitais un petit village de Bisagne où ton père était fonctionnaire d'une administration locale et ta mère institutrice. […] Plus tard, on t'a proposé de suivre les classes préparatoires pour te présenter à l'école supérieure des travaux de carrière (on ne savait pas ce que c'était dans ta famille, les enseignants ont dû l'expliquer). Tu as travaillé, tu étais intelligent, et tu es devenu grand ingénieur de carrière. Longtemps, pourtant, tu ne t'es pas débarrassé d'un sentiment d'imposture qui te rongeait secrètement. […] Pourquoi cette conviction que tu occupais une case qui n'était pas prévue pour toi ?" (Belinda Cannone, 2005, p. 14-15). Cet exemple, tiré d'un essai, suggère que les ingénieurs diplômés peuvent être exposés au « sentiment d'imposture ». Il illustre en cela les limites de « l'effet magique du titre » pointées par Bourdieu (1989), pour qui le diplôme ne procure de véritable consécration qu'associé à d'autres propriétés sociales. Qu'en est-il alors des cadres autodidactes, et plus généralement de tous ceux qui accèdent à ce statut en cours de vie professionnelle, qui plus est sans forcément détenir les attributs sanctifiants du titre?
Ce détour par le sentiment d'imposture renvoie en effet à la question des changements de statut dans la société française. Leur légitimité est affirmée par un discours méritocratique qui associe la valeur des individus à leurs actes, mais reste contredite par des pratiques sociales qui ne manquent pas de reproduire les inégalités de la naissance. Les cadres constituent une bonne illustration de ce phénomène.» [...] [Premières lignes]