Un réseau sur les cadres

Un réseau sur les cadres

Ce GDR est né du succès des Journées d’études scientifiques sur les cadres organisées par le Laboratoire d'Economie et de Sociologie du Travail (LEST-CNRS) à Aix-en-Provence, en décembre 1999. Elles ont alors confirmé que, si la recherche en sciences sociales sur ce groupe social était devenue peu visible et moins dynamique depuis le début des années 1980, elle était redevenue très vivante à la fin des années 1990. C’est le cas notamment en sociologie et en gestion, et dans une mesure moindre, en histoire, sciences politiques, droit et ergonomie. Ce domaine de recherche souffrait toutefois d’une synergie insuffisante, dans un moment par ailleurs marqué par une relance des interrogations sociales - pour une part anciennes, pour une part nouvelles - à propos des cadres. Les participants des journées d’Aix ont donc souhaité que cette rencontre connaisse des suites. Un ouvrage collectif, Les cadres. La grande rupture, est tout d’abord paru aux éditions La Découverte au début de l’année 2001. Pour animer un réseau pluri-disciplinaire de chercheurs, la formule du GDR, Groupement De Recherche, du CNRS a semblé particulièrement adaptée. Rattaché aux sections 36 (Sociologie, normes et règles) et 40 (Politique, pouvoir et organisations) du CNRS, ce GDR CADRES (CAdres, Dynamiques, Représentations, Entreprises et Sociétés, Unité CNRS 2334) a vu le jour officiellement le 1er janvier 2001 pour une première période de quatre ans.

Si la catégorie française des cadres est « l’entrée » privilégiée du GDR, son centre d’intérêt ne se limite pas à cette population, d’autant plus qu’il s’intéresse aux « équivalents » des cadres présents dans d’autres pays européens, dont l’identité et les contours ne sont pas les mêmes. Des groupes situés aux frontières de la catégorie de cadres, comme des salariés intermédiaires ou des professions indépendantes, sont également dans le champ des travaux du GDR. La catégorie des cadres et ses remises en question sont ainsi prises comme révélatrices, comme « miroir grossissant » de transformations beaucoup plus vastes de la condition salariale, de la relation d’emploi, des modes d’organisation des entreprises et de différenciations du monde du travail contemporain, ainsi que des dynamiques politiques et culturelles de la société française.

Pendant une bonne décennie, celle qui suit la parution de l'ouvrage de référence de Luc Boltanski (Les cadres. La formation d’un groupe social, Minuit, 1982), les cadres n'avaient plus guère été, en tant que tels, l’objet de travaux de recherche majeurs en sociologie. Cette évolution nourrit un retour réflexif d’ordre épistémologique sur l’histoire des recherches conduites sur cette catégorie, dans laquelle un certain paradigme des classes sociales s’est effacé au profit du paradigme des professions. Cette discipline a pourtant vocation à produire également des savoirs portant sur la dynamique des catégorisations macro-sociales, et à éclairer les interrogations et débats sociaux qu’elle suscite. Or ces derniers ont été très vifs ces dernières années à propos de la catégorie des cadres. Les discours sociaux ont radicalisé la vieille thématique du « malaise des cadres » pour mettre en scène de nouvelles représentations. Les unes mobilisent les thèmes de la banalisation, de la massification, de la déstabilisation du groupe. Les autres mettent en scène le professionnel nomade comme nouvelle figure de la modernité des carrières et des modes de vie. Si la capacité de mobilisation symbolique de cette catégorie persiste, semblant attester de sa pertinence maintenue au plan des représentations du monde social, l’insistance de ces thématiques, largement nouvelles, incite à étudier de plus près ce qui a changé. Comment ont évolué les modes d’existence, matériels et symboliques, les formes de conscience sociale et les valeurs de ceux qu’on désigne encore comme des « cadres » ? Pourquoi cette appellation même de « cadres » semble délaissée au profit des termes de « managers » ou « experts » ? Réinterroger cette catégorie sociale permet ainsi de reposer la question du lien entre les valeurs « matérielles » (connotant la production, le travail mais aussi la consommation et certains modes de vie) et les valeurs « post-matérielles », ou entre l’acceptation traditionnelle de la notion de cadre et son rapport aux processus de « moyennisation » des sociétés les plus développées. Les hypothèses complémentaires d’un approfondissement des lignes de clivage interne à la catégorie, d’un effacement potentiel de la distinction cadre/non cadre, d’une transformation en lien avec la féminisation croissante du groupe, d’une déstabilisation du « salariat de confiance » à la française qu’elle a symbolisé ont pu ainsi commencer à être examinées par des membres de ce réseau. Trois ouvrages récents issus d’habilitations à diriger les recherches traduisent la vitalité en terme de publications de ce champ de recherche : Les cadres. La fin d’une figure (Bouffartigue, 2001), Les cadres en France. Une énigme sociologique (Gadéa, 2003) ; Les femmes ingénieures. Une révolution respectueuse (Marry, 2004).

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